Travailler pour aller mieux : le rôle vital de l’emploi dans le rétablissement psychique

Et si le travail n’était pas seulement un revenu, mais un moteur de santé mentale ?

Ceux qui vivent avec un trouble psychique le savent : le travail peut faire toute la différence. Non pas comme une injonction à la performance, mais comme un levier d’ancrage, de dignité, de reconstruction. Pour les chercheurs et praticiens spécialisés, l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap psychique est aujourd’hui reconnue comme une composante majeure du processus de rétablissement.

Un marqueur de normalité… et bien plus encore

Selon Bernard Pachoud et Marc Corbièrel’emploi joue un rôle essentiel dans la lutte contre les stigmates, en donnant aux personnes concernées un sentiment d’appartenance, de compétence et de reconnaissance. Il ne s’agit pas seulement de gagner sa vie, mais de retrouver une place dans la société.

Ils identifient plusieurs bénéfices majeurs de l’activité professionnelle :
✔️ Se sentir utile et valorisé,
✔️ Reprendre confiance en soi,
✔️ Structurer ses journées autour de rythmes sociaux partagés,
✔️ Se concentrer sur une tâche, ce qui aide à mieux gérer les troubles,
✔️ Accéder à plus d’autonomie (y compris financière).

Et si l’écart entre certains revenus d’insertion (comme l’AAH) et ceux d’un emploi à temps partiel est parfois mince, la motivation ne se limite pas à l’argent : elle repose d’abord sur le sens, l’utilité et la dignité retrouvée.

« Ces bénéfices sous-tendent en partie leur motivation intrinsèque, parfois plus que les revenus attendus. »
— Franck, 2018

Un lieu de socialisation, de repères, de participation

Claire Le Roy-Hatala et Denis Leguay vont dans le même sens. Pour eux, le travail est un vecteur central d’identité sociale. Il permet de se reconnecter à une dynamique collective, de retrouver des interactions positives, et de sortir de l’isolement qui fragilise tant.

« Le travail est le lieu de l’identité sociale, si déterminante pour la construction de l’estime de soi et la reprise de confiance. »
— Le Roy-Hatala & Leguay, 2013

Même pour des personnes très éloignées de l’emploi, le désir de retravailler reste souvent intact. Ce besoin d’utilité sociale, de participation, est profondément humain. Il constitue un socle pour se projeter, construire un projet de vie, s’émanciper.

La parole des premiers concernés

Les témoignages ne manquent pas pour illustrer ce besoin d’utilité.
Dans la presse, dans les Clubhouses, ou dans les entretiens de terrain, les personnes concernées le disent avec des mots simples mais puissants :

« Ne pas travailler était une des raisons pour lesquelles je n’allais pas bien. Je m’épanouis dans le travail. Mon seul souhait : me rendre utile. »
— Frédéric Laurent, schizophrène, L’Est Républicain

« Ce travail me permet de me fixer chaque jour des objectifs, et de me sentir utile à la société. »
— Aude Morterol, ancienne institutrice, Le Parisien Économie

« Le Clubhouse aide à relever le défi du rétablissement en s’impliquant dans le lieu, ce qui donne un sentiment d’utilité. »
— Le Monde

Ces paroles font écho à un constat largement partagé dans les milieux du soin, du social et de la recherche : le sentiment d’utilité est un levier de santé mentale.

L’OMS confirme : le travail protège la santé mentale

Dans un article de synthèse sur la santé mentale au travail, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme sans ambiguïté :

« Le travail peut protéger la santé mentale. »

Elle identifie quatre effets majeurs du travail :
✅ Il fournit un moyen de subsistance,
✅ Il donne un but, une confiance en soi, un sentiment d’accomplissement,
✅ Il crée des relations positives et une appartenance communautaire,
✅ Il définit un cadre structurant au quotidien.

Et plus encore, un travail “décent” peut favoriser le rétablissement, renforcer les compétences sociales, et favoriser l’inclusion.

Mais à l’inverse, l’absence de soutien, l’isolement, ou des conditions de travail délétères peuvent aggraver les troubles, nuire à la motivation, et devenir un frein à l’insertion.

Le travail comme soin

Dans cette perspective, le travail ne doit pas être vu comme un objectif final, mais comme un outil thérapeutique à part entière. Un espace de rééducation à la vie sociale, de reprise de confiance, de reconstruction de soi.

Ce que l’on observe, dans les structures les plus innovantes, c’est que le travail bien accompagné peut devenir une véritable thérapie active :
👉 Il donne du rythme,
👉 Il crée du lien,
👉 Il mobilise les ressources,
👉 Il redonne de la valeur à l’expérience vécue.

Travailler pour ne pas sombrer. Travailler pour renaître.

Les personnes en situation de handicap psychique ne demandent pas la charité.
Elles demandent une chance réelle de participer.

Et à travers cette participation, de retrouver ce que la maladie a parfois mis en pause : leur puissance d’agir, leur utilité sociale, leur dignité.

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