Vous vous sentez fatigué·e, anxieux·se, l’esprit embrumé, démotivé·e ?
Et si tout ne venait pas de votre tête, mais aussi… de votre assiette ?
Le régime cétogène (ou keto) révèle une vérité inattendue en psychonutrition : ce que vous mangez peut transformer votre cerveau. En privant l’organisme de sucres, puis en le nourrissant de graisses, ce régime bouleverse le métabolisme énergétique. Résultat : votre cerveau reçoit un carburant alternatif (les corps cétoniques) qui pourrait bien éclaircir votre esprit et stabiliser votre humeur. Longtemps cantonnée au traitement de l’épilepsie, cette diète très faible en glucides suscite désormais un espoir pour la dépression, le trouble bipolaire et d’autres troubles psychiatriques. Pourquoi ? Parce qu’en agissant sur le moteur métabolique du corps, elle semble rétablir un équilibre profond dont l’effet se fait sentir jusqu’au cerveau.
Un cerveau qui tourne à la graisse, pas au sucre
Normalement, vos neurones fonctionnent au glucose (sucre). Le régime cétogène change la donne : en supprimant presque tous les glucides (souvent moins de 20–50 g par jour), il force votre corps à puiser son énergie dans les graisses. La cétose s’installe alors, lorsque le foie transforme les acides gras en cétones, un carburant que le cerveau peut utiliser à la place du glucose. Ce switch métabolique apporte un flux d’énergie plus stable, sans les montagnes russes de la glycémie. Fini le brouillard mental après le déjeuner ou les coups de pompe brutaux : avec des cétones en continu, l’esprit gagne en clarté et en concentration.
Mieux, ce carburant gras pourrait apaiser le cerveau. Des recherches suggèrent que la cétose possède un pouvoir anti-inflammatoire en modulant certaines voies biologiques : elle réduit la production de cytokines pro-inflammatoires nuisibles aux neurones. En clair, moins d’inflammation et de stress oxydatif dans le cerveau, c’est un terrain plus sain pour nos cellules grises. Or, on sait qu’une inflammation chronique de bas grade peut contribuer à l’anxiété ou à la dépression. En nourrissant votre cerveau de cette manière, vous pourriez donc calmer le jeu à l’intérieur de votre tête.
Dépression, bipolarité : des améliorations spectaculaires
Des scientifiques se penchent de près sur l’impact du régime cétogène sur la santé mentale, et les résultats préliminaires sont prometteurs. Une étude pilote récente de l’Ohio State University, publiée en 2025, a suivi des jeunes adultes souffrant de dépression. En à peine 10 à 12 semaines de diète cétogène, les symptômes dépressifs auto-évalués par les participants ont chuté d’environ 69 %. Même les évaluations cliniques ont confirmé une réduction d’environ 70 %des scores de dépression. C’est bien plus que l’effet attendu des traitements classiques sur la même période (autour de 50 %), soulignent les auteurs. Autrement dit, manger keto a suffi à nettement remonter le moral de ces étudiants, sans qu’aucun n’ait besoin de prise en charge urgente en plus. Évidemment, l’échantillon de participants était restreint, mais un tel résultat donne à réfléchir.
Et ce n’est pas un cas isolé. Dans une autre étude pilote, menée en Europe sur le trouble bipolaire, 27 patients ont adopté le régime cétogène pendant 6 à 8 semaines. Là encore, les effets positifs étaient au rendez-vous : meilleur humeur, plus d’énergie, moins d’anxiété Des examens d’imagerie cérébrale ont même montré une baisse de certains neurotransmetteurs excitateurs anormalement élevés chez les personnes bipolaires, ce qui pourrait expliquer l’effet stabilisant du régime. Fait notable, les patients ont également amélioré leur santé physique : ils ont perdu en moyenne 4 kg en quelques semaines, faisant baisser leur IMC et leur tension artérielle. Ce gain n’est pas anodin, car beaucoup de traitements psychiatriques provoquent surpoids et problèmes métaboliques – ici compensés par l’alimentation keto. Plusieurs participants ont décrit cette expérience comme transformatrice, certains allant jusqu’à dire qu’ils se sentaient « plus calmes, plus lucides, avec le cerveau qui fonctionne à nouveau ».
Travaux sur la schizophrénie
D’autres travaux explorent l’effet du keto sur des troubles mentaux sévères comme la schizophrénie. La psychiatre Shibani Sethi (Stanford University) a ainsi testé pendant 4 mois un régime cétogène sur 21 patients atteints de schizophrénie ou de bipolarité, tous en surpoids et sous médicaments antipsychotiques. Le constat ? Près de 75 % de ces patients ont vu leurs symptômes psychotiques s’améliorer, tout en perdant du poids et en réduisant les effets secondaires de leurs médicaments.
De son côté, la psychologue Georgia Ede a rapporté qu’en deux semaines seulement, un programme cétogène strict dans un hôpital français avait entraîné une amélioration mentale notable chez tous les participants souffrant de dépression, bipolarité ou schizophrénie résistantes aux traitements classiques. Chez presque la moitié d’entre eux, les symptômes majeurs ont suffisamment diminué pour permettre de réduire les doses de médicaments. Ces résultats, bien que préliminaires, suggèrent que modifier l’alimentation peut soulager des patients chez qui plus rien ne marchait. Qui aurait cru qu’en changeant de carburant, on parviendrait à influencer ainsi le cerveau ?
Bien sûr, tout le monde ne réagit pas de la même manière. Le régime cétogène n’est pas une baguette magique universelle contre la dépression ou l’anxiété. Cependant, ces études pionnières ouvrent la voie à une nouvelle approche appelée parfois psychiatrie métabolique – traiter l’esprit en agissant sur le métabolisme du corps. En complément des thérapies classiques, adapter son alimentation pourrait devenir un atout supplémentaire pour retrouver un équilibre mental. Comme l’explique le Dr Christopher Palmer (Harvard), spécialiste du domaine, de nombreux patients arrivent à reprendre le contrôle de leurs émotions en traitant les dysfonctionnements métaboliques sous-jacents, et non plus seulement les neurotransmetteurs. En d’autres termes, le carburant que vous offrez à votre cerveau compte autant que les molécules que l’on vous prescrit – et c’est une nouvelle particulièrement encourageante.
Un outil puissant, mais à manier avec prudence
Avant de vous ruer sur le beurre et l’huile de coco, un avertissement s’impose : le régime keto n’est pas anodin. Très restrictif, il peut entraîner des carences nutritionnelles importantes s’il est mal équilibré. Supprimer fruits, céréales et de nombreux légumes prive l’organisme de fibres, de vitamines et de minéraux essentiels. Les médecins déconseillent d’ailleurs ce régime aux personnes pour qui il pourrait être dangereux : en cas de pancréatite, de troubles de la β-oxydation (métabolisme des graisses) ou de certains troubles génétiques empêchant de bien utiliser les corps cétoniques, mieux vaut s’abstenir. De même, le régime cétogène ne doit pas se substituer brutalement aux traitements psychiatriques en cours – il peut les compléter, mais chaque cas doit être évalué par un professionnel.
Par ailleurs, la période d’adaptation à la cétose peut être inconfortable. Dans les premières semaines, beaucoup ressentent de la fatigue, des maux de tête, parfois des nausées et une sensation de « grippe cétogène » due aux changements métaboliques. On observe souvent une déperdition d’eau et de sel au début (effet diurétique de la cétose), d’où un risque de déshydratation si l’on ne boit pas plus que d’habitude. Il n’est pas rare non plus de souffrir de constipation, le temps que le corps s’habitue au manque de fibres. Ces désagréments s’estompent généralement après quelques semaines, mais ils justifient d’avancer prudemment. Un suivi médical pourra vous aider à adapter les apports hydriques (au moins 2 litres d’eau par jour recommandés) et électrolytiques pour atténuer ces effets secondaires.
Sur le long terme, des incertitudes subsistent quant à l’innocuité d’une alimentation cétogène stricte. L’American Heart Association, par exemple, a classé ce régime parmi les moins sains pour le cœur. La raison ? En mode keto “classique”, on consomme beaucoup de viandes, de beurre, de crème… Autant de graisses saturées qui peuvent faire grimper le cholestérol et fatiguer nos artères. Privé de céréales complètes, de fruits et de légumineuses, le corps manque aussi de fibres favorables à un bon transit et à l’élimination de l’excès de cholestérol. Ce combo (beaucoup de gras animal, peu de fibres) pourrait augmenter à terme le risque de maladies cardiovasculaires.
Et qu’en est-il de votre microbiote intestinal dans tout ça ? Lui aussi subit le contre-coup de ce régime déséquilibré. Des études montrent qu’une alimentation cétogène prolongée réduit fortement la diversité de nos bactéries intestinales. En particulier, elle fait chuter le nombre de bactéries bénéfiques productrices d’acides gras à chaîne courte (comme les Bifidobacterium ou Faecalibacterium), pourtant essentielles pour une barrière intestinale saine et un état anti-inflammatoire. Parallèlement, l’excès de graisses et de protéines animales favorise la prolifération de microbes moins désirables (tels que Bilophila wadsworthia), associés à une inflammation et à une hyperperméabilité de l’intestin. Un microbiote appauvri et inflammatoire pourrait, à long terme, contrecarrer les bénéfices du régime keto sur votre santé mentale. En effet, rappelons que l’axe intestin-cerveau fait que tout ce qui perturbe votre flore peut finir par se ressentir sur votre humeur.
Faut-il pour autant jeter l’éponge ?
Non, car il est tout à fait possible de suivre un régime cétogène de façon équilibrée et éclairée. La clé est de privilégier la qualité des aliments plutôt que de se focaliser uniquement sur la quantité de glucides. Optez en priorité pour des bonnes graisses : poissons gras (saumon, sardine…), huile d’olive, avocats, noix, plutôt que le beurre à outrance et la charcuterie. Ces sources de lipides insaturés sont bénéfiques pour le cœur et le cerveau, et s’intègrent parfaitement dans une diète cétogène bien conçue.
Veillez aussi à consommer un maximum de légumes très pauvres en sucre (tous les légumes verts, courgettes, aubergines, choux, concombres, etc.) afin de fournir des fibres, des vitamines et des antioxydants à votre organisme. On recommande au moins 25 g de fibres par jour pour un adulte – même en keto, c’est atteignable en bourrant l’assiette de végétaux adéquats. Certains adeptes choisissent d’ailleurs une version cétogène “végétale”, incluant uniquement des graisses d’origine végétale et davantage de légumes, pour mieux respecter leur microbiote.
Quoi qu’il en soit, n’avancez pas seul·e : faites-vous accompagner par un professionnel de santé (médecin, diététicien·ne) avant de bouleverser votre alimentation. Un bilan pourra identifier d’éventuelles carences initiales (en fer, en vitamine D, en oméga-3, etc.) afin de les corriger. Un suivi régulier garantira que votre corps tolère bien la cétose et que votre santé (mentale et physique) s’améliore comme prévu.
Les 7 piliers du keto pour votre santé mentale
- Suivi médical personnalisé – Consultez un professionnel avant de commencer, pour adapter le régime à votre cas et écarter les contre-indications.
- Priorité aux bonnes graisses – Préférez les graisses insaturées (huile d’olive, avocat, poisson gras, noix) aux sources riches en graisses saturées (beurre, charcuteries).
- Légumes et fibres quotidiens – Misez sur une grande variété de légumes pauvres en glucides à chaque repas. Ils nourrissent votre microbiote et préviennent carences et constipation.
- Corriger les carences invisibles – Faites un bilan des nutriments critiques (oméga-3, vitamines D et B, magnésium, zinc…). Supplémentez-vous si nécessaire pour éviter les déficits qui minent le moral.
- Activité physique régulière – Bouger chaque jour aide à réguler le métabolisme, à réduire l’inflammation et à améliorer votre bien-être. Même en keto, chaque pas compte pour le cerveau.
- Sommeil de qualité – Un bon sommeil soutient la production de neurotransmetteurs et l’équilibre hormonal. Couchez-vous à heures régulières, dans une pièce calme et sombre, pour aider votre cerveau à récupérer.
- Soutien psychologique adapté – Le régime cétogène n’exclut pas un accompagnement psy. Thérapies cognitives, méditation, gestion du stress… Ces approches complètent l’alimentation en renforçant la résilience de votre esprit.
En conclusion, le régime cétogène apparaît comme une voie innovante pour soutenir la santé mentale, en apportant au cerveau un carburant différent et en restaurant un équilibre métabolique souvent oublié. En limitant l’inflammation et en stabilisant l’énergie cérébrale, il ouvre des perspectives là où les traitements classiques atteignent parfois leurs limites. Attention toutefois à l’appliquer intelligemment, avec mesure et accompagnement, afin d’en retirer le meilleur sans risquer votre équilibre physique. Mieux nourri et mieux entouré, votre cerveau a alors toutes les chances de retrouver un nouvel élan. Les graisses pourraient bien, paradoxalement, lui redonner le sourire – à condition de les apprivoiser prudemment et de façon personnalisée.