Emploi ou travail ? Et si on s’était trompés de combat

Pourquoi se lever le matin ne suffit plus – il faut que cela ait un sens

On parle souvent d’emploi et de travail comme s’ils étaient synonymes. Mais pour le philosophe Bernard Stiegler, cette confusion est lourde de conséquences. Dans son ouvrage provocateur L’emploi est mort, vive le travail !, il affirme que nous avons sacrifié le travail vivant sur l’autel de l’emploi standardisé.

Emploi ≠ Travail

Pour Stiegler, l’emploi est une structure sociale : c’est ce qui donne un salaire, un statut, du pouvoir d’achat.
Mais le travail, c’est tout autre chose : c’est l’acte créatif par lequel on apprend, on transmet, on transforme. Il mobilise nos savoir-faire, nos intelligences, notre singularité. Il a une valeur existentielle.

Il résume cette distinction en des termes puissants :
👉 Le travail est néguentropique – il produit de la nouveauté, de la complexité, de l’imprévu.
👉 L’emploi est devenu entropique – il répète, standardise, vide de sens.

Aujourd’hui, selon Stiegler, l’emploi appauvrit, car il ne fait plus appel à notre intelligence ni à notre créativité. Il nous prolétarise, c’est-à-dire qu’il nous dépouille de nos savoirs et de notre autonomie.

Le travail qui épanouit est celui qui transforme

Ce que Stiegler nous dit en creux, c’est que le travail n’est pas simplement ce qui permet de survivre, mais ce qui permet de se construire, de s’élever, de créer. Et que l’emploi sans travail – c’est-à-dire sans savoir, sans transformation, sans effet visible – rend malade.

Cette idée rejoint parfaitement l’analyse d’un autre penseur essentiel : David Graeber, anthropologue et militant, auteur du livre-choc Bullshit Jobs (article à suivre).

Le sens du travail : entre œuvre et torture

Pourquoi certains vivent leur job comme une vocation, et d’autres comme une punition

On parle de plus en plus du sens au travail. On dit qu’il en manque, qu’il faut le retrouver, qu’il est vital. Mais qu’est-ce que le « sens » exactement ? Et pourquoi sa perte peut-elle conduire au mal-être, voire à la souffrance ?

La psychologue Caroline Arnoux-Nicolas, spécialiste de cette question, nous propose un éclairage aussi limpide que profond dans son ouvrage Donner un sens au travail.

Trois sens… du mot sens

Avant même d’entrer dans le vif du sujet, elle nous rappelle un point clé : le mot sens a plusieurs significations.
👉 C’est d’abord ce que l’on perçoit avec les sens,
👉 Ensuite, c’est la direction que l’on prend,
👉 Enfin, c’est la signification que l’on donne.

Appliqué au travail, cela veut dire que donner du sens, c’est à la fois ressentirs’orienter, et comprendre.

Mais qu’en est-il du mot travail ? Là aussi, la racine est éloquente : travail vient du latin tripalium, un instrument de torture. Rien de très engageant.

Deux visions opposées du travail

Arnoux-Nicolas distingue alors deux visions du travail, presque opposées :

  • D’un côté, une activité pénible, contraignante, subie, proche du sens originel du mot.
  • De l’autre, une activité créative, intellectuelle, construite, qui relève davantage du mot latin opus – l’œuvre.

Et tout est là : certains vivent leur travail comme un moyen de s’exprimer, de créer, de contribuer. D’autres, au contraire, le vivent comme une charge, une corvée, voire une forme de torture moderne.

Cette divergence n’est pas seulement individuelle. Elle est aussi organisée collectivement, historiquement, idéologiquement.

Le sens : une affaire personnelle… et politique

Le sens du travail ne dépend pas uniquement de l’individu. Il est aussi façonné par la société. Et depuis la révolution industrielle, ce rapport collectif au travail a été profondément transformé.

Karl Marx, philosophe emblématique du XIXe siècle, a joué un rôle central dans cette réflexion. Pour lui, le travail est “l’essence de l’homme”, ce par quoi il se réalise. Mais dans un système où l’ouvrier n’est qu’un rouage de la machine, le fruit de son travail lui est volé, et il devient aliéné : il ne se reconnaît plus dans ce qu’il fait.

« L’ouvrier ne s’affirme pas dans le travail, mais se nie. […] Le travail est extérieur à lui. »
– Karl Marx, cité par Arnoux-Nicolas

Cette idée n’est pas isolée. Déjà à la fin du XVIIIe siècle, Adam Smith, père du libéralisme économique, observait que la division du travail, si elle augmente la productivité, appauvrit l’esprit :

« Un homme dont la vie se passe à répéter les mêmes gestes ne développe ni son intelligence, ni son imagination. »

Autrement dit : le travail répétitif, sans réflexion, sans créativité, éteint l’humain. Il devient un automate.

Perte de sens, perte de soi

Quand on relie ces constats anciens à la réalité d’aujourd’hui — open space, protocoles, tâches fragmentées, ubérisation — on comprend mieux pourquoi tant de gens souffrent au travail.

Le travail, dans son idéal, devrait être une œuvre. Un espace de contribution, d’expression, de transformation.
Mais dans bien des cas, il est devenu un espace de soumission, d’absurdité, de vide.

La perte de sens n’est donc pas seulement un problème moral. C’est un problème existentiel.

Redonner du sens : une nécessité vitale

Alors, comment sortir de cette ambivalence entre torture et œuvre ? Entre tripalium et opus ?
Cela commence par reconnaître que le sens n’est ni un luxe, ni une utopie. C’est un besoin fondamental.

Un travail qui a du sens, c’est un travail dans lequel :
✔️ Je me reconnais.
✔️ Je vois l’impact de mes actions.
✔️ J’ai une certaine autonomie.
✔️ Je peux apprendre, évoluer, contribuer.

Ce n’est pas forcément un travail parfait. Mais c’est un travail humain.

Burn-out des soignants : quand le travail perd son âme

Pourquoi une vocation aussi noble peut aujourd’hui devenir un chemin de souffrance

Soigner, c’est l’un des plus beaux métiers du monde. Un métier de lien, d’humanité, d’utilité. Pourtant, de plus en plus de professionnels de santé craquent. Épuisés, désabusés, parfois dévastés par un métier qu’ils avaient pourtant choisi avec conviction.

C’est ce paradoxe qu’explorent la philosophe Valérie Gateau et la psychanalyste et professeure Cynthia Fleury dans un article marquant : Pour une clinique philosophique du burn-out des professionnels de santé. À travers leur analyse, une question centrale émerge : et si ce n’était pas le métier en soi qui posait problème, mais la façon dont on l’organise aujourd’hui ?

La pandémie, révélateur du sens oublié

La crise du Covid-19 a tout bouleversé. Et paradoxalement, elle a ravivé une vérité fondamentale : le soin a du sens.
Gateau et Fleury parlent d’un “retour au sens” du métier pendant la pandémie. Les soignants, malgré la peur et la fatigue, ont retrouvé l’essence même de leur vocation : être là pour les autres.

Mais ce retour au sens n’a été qu’un éclair dans la tempête. Une parenthèse, vite refermée, par une réalité bien plus brutale : celle d’un système devenu toxique.

Un métier humain enfermé dans des logiques inhumaines

Les auteures montrent que les burn-out dans les métiers du soin sont en forte augmentation. Et ce n’est pas une fatalité biologique : ce sont les conditions de travail qui rendent malades.
Car si le travail est en principe bon pour la santé – parce qu’il donne du lien, de la dignité, un rôle social – il peut, dans de mauvaises conditions, détruire tout cela.

Et c’est exactement ce qui se passe quand l’organisation du travail déshumanise l’acte de soigner :
👉 Protocoles rigides,
👉 Codage informatique à outrance,
👉 Gestion par indicateurs,
👉 Performance mesurée au détriment du vécu.

Les soignants ne reconnaissent plus le métier qu’ils ont rêvé d’exercer. Ce qu’ils imaginaient comme un espace d’écoute, de contact, de compassion… se transforme en usine à actes standardisés. La vocation devient désillusion.

Le burn-out, un révélateur systémique

Le burn-out ne dit pas seulement : « je suis fatigué ». Il dit : « ce que je fais n’a plus de sens pour moi ».
Et c’est là que Gateau et Fleury frappent fort. Elles ne s’arrêtent pas à une critique des conditions de travail : elles montrent que notre société entière est structurée par une survalorisation du travail, qui devient un “fait social total”.

Le travail détermine :

  • notre niveau de vie,
  • notre place dans la société,
  • notre identité,
  • et même notre estime de soi.

Ne pas travailler, c’est risquer de perdre tout cela à la fois.

Mais dans le même temps, le travail organisé autour de logiques productivistes abîme ceux qui l’exercent. Ce qui donne naissance à une contradiction profonde :
👉 Nous avons besoin du travail pour vivre, mais le travail peut aussi nous détruire.

Quand le sens moral se heurte à la réalité du terrain

L’article évoque aussi une forme plus insidieuse de souffrance : celle de ceux qui doivent participer à des pratiques qu’ils désapprouvent.
Faute de moyens, de temps, ou de marge de manœuvre, certains soignants se voient contraints d’agir contre leur propre éthique professionnelle. Cela n’apparaît pas dans les indicateurs de performance. Mais ça laisse des traces psychiques profondes.

Et ce phénomène ne touche pas que les hôpitaux. Partout, dans tous les secteurs, on dénonce les mêmes causes :
👉 cadence inhumaine,
👉 perte de sens,
👉 perte d’autonomie,
👉 et gestion par les chiffres.

Travailler ou se perdre ?

Si, comme le disait Aristote, “l’homme est un animal social”, alors l’absence de travail pourrait nous condamner à l’isolement. Mais si le travail lui-même nous coupe du lien, du sens et de la dignité, c’est notre humanité qui vacille.

Il ne suffit donc pas de dire que « travailler, c’est bien ». Il faut aussi s’interroger sur la manière dont nous faisons travailler les gens.

Pourquoi certains s’épanouissent malgré tout ?

Face à ce constat sombre, une question demeure : pourquoi certaines personnes continuent-elles à s’épanouir dans leur travail ?
La réponse semble tenir en un mot : alignement.

Quand ce que je fais a du sens pour moi, quand mes valeurs personnelles rencontrent la mission que je remplis, quand je suis reconnu, soutenu et libre d’agir… alors le travail devient un moteur.

Mais quand le sens est absent, que la machine est trop lourde, ou que je dois trahir ce en quoi je crois, le moteur finit par exploser.

Travailler, oui… mais pas à n’importe quelles conditions

Ce que nous dit la philosophie du burn-out, c’est que la souffrance au travail n’est pas une affaire individuelle. Elle est le symptôme d’un système qui a oublié que le travail est d’abord un acte profondément humain.

Et s’il est humain, alors il doit respecter la personne, ses besoins, ses limites… et surtout, son besoin de sens.

Le travail est-il encore bon pour nous ?

Quand l’engagement devient épuisement, et que l’utilité laisse place à l’absurde

On nous a toujours dit que le travail, c’était bon pour la santé. Structurant, gratifiant, porteur de sens. Et pourtant, de plus en plus de voix s’élèvent pour dire l’inverse : le travail rend malade. Non pas parce qu’il est trop dur physiquement, mais parce qu’il abîme psychologiquement.

C’est ce que dénonce Alain Supiot, juriste et professeur émérite au Collège de France, dans une leçon magistrale intitulée Le travail n’est pas une marchandise. Une phrase simple, presque évidente. Et pourtant, aujourd’hui, tout indique le contraire.

Travailler beaucoup, être évalué partout, n’avoir de valeur nulle part

Dans notre époque connectée, les salariés sont devenus des nœuds dans des réseaux d’informations. On leur demande de traiter des flux toujours plus denses, toujours plus vite. On les évalue en permanence à l’aide d’indicateurs déconnectés du réel, qui ne tiennent plus compte ni de la tâche accomplie, ni de l’effort fourni, ni de la valeur humaine du travail.

Résultat ? Une explosion des troubles psychiques liés au travail. En France, leur nombre aurait été multiplié par sept en cinq ans, entre 2012 et 2017.

Et c’est sans compter sur la précarité moderne : les travailleurs « ubérisés », livrés à eux-mêmes, sans protection sociale, sans perspective de progression, bloqués dans un “en-deçà de l’emploi”, pour reprendre les mots de Supiot. Une zone grise, où l’on travaille sans jamais vraiment être reconnu comme un travailleur.

Réduire le travail à une marchandise : une fiction dangereuse

À la racine de ce désastre, une croyance profondément ancrée dans nos sociétés : le travail est une marchandise comme une autre. On l’achète, on le vend, on le quantifie. Dans ce modèle, l’humain devient “capital humain”, une formule faussement scientifique popularisée par l’économiste Gary Becker, mais que Supiot rappelle être née… dans les registres d’esclavagistes.

Car considérer le travail comme un produit échangeable, c’est nier la dimension vivante, singulière et engagée de toute activité humaine. Le travail mobilise un corps, une intelligence, des compétences, une histoire personnelle. Ce n’est pas une simple prestation ; c’est une expérience humaine.

Et c’est précisément cette expérience que l’économie dominante choisit d’ignorer.

Quand le salaire devient une créance vide de sens

Dans ce modèle néolibéral, le sens du travail est réduit à sa contrepartie financière. Le salarié échange du temps contre de l’argent. Point. Ce qu’il crée, ce qu’il accomplit, ne lui appartient plus. Le produit de son effort est entièrement capté par l’entreprise.

Cette logique marchande, généralisée à l’échelle des États, a fini par évacuer deux questions essentielles :
👉 Pourquoi travailler ?
👉 Pour quoi faire ?

Autrement dit, le contenu et le sens du travail ont disparu des radars.

Retrouver le sens pour retrouver la santé

Mais l’humain ne fonctionne pas comme une machine. Il a besoin de sens, pas seulement de salaire. Il a besoin de se reconnaître dans ce qu’il fait, de se sentir utile, créatif, investi. Supiot le rappelle avec force : les entreprises les plus durables sont celles qui donnent une raison d’être à leurs employés. Ce n’est pas un supplément d’âme : c’est une condition de réussite.

Et si une œuvre est réussie, c’est parce que ceux qui y participent comprennent ce qu’ils construisent, et pourquoi ils le font.

Y a-t-il encore des îlots de résistance ?

Il existe encore quelques modèles qui échappent à cette logique de rentabilité absolue. C’est le cas — du moins en théorie — de la fonction publique. Un fonctionnaire est censé servir l’intérêt général, pas la maximisation du profit. Chaque poste, chaque tâche, s’inscrit dans une œuvre commune, orientée vers le bien public.

Dans cette vision, le travail ne se vend pas, il se met au service.

Mais là aussi, les choses changent. Supiot alerte sur le démantèlement progressif du modèle public, via la mise en concurrence avec le privé, y compris sur les postes de direction. La logique de performance et de rentabilité infiltre les institutions qui semblaient les plus protégées, notamment les hôpitaux.

L’hôpital : dernier rempart ou nouveau champ de ruines ?

L’exemple de la fonction publique hospitalière est parlant. Longtemps portée par une éthique du soin et une logique de service, elle a connu un tournant gestionnaire brutal. Rationalisation, objectifs de performance, bureaucratie étouffante…

Résultat : épuisement, démotivation, burn-out.

Le cœur même du métier — prendre soin, être utile, faire du bien — a été englouti sous des couches de procédures et de tableaux Excel. Là où il y avait du sens, il ne reste parfois que du stress.

Travailler, oui. Mais pas à n’importe quel prix.

Le travail peut être une source d’émancipation, de dignité, de construction de soi. Mais il peut aussi devenir une machine à broyer, quand on oublie qu’il s’agit, avant tout, d’une affaire profondément humaine.

Retrouver du sens au travail n’est pas un luxe. C’est une urgence collective, si l’on veut éviter que ce qui est censé nous élever… ne nous détruise.

Pourquoi les Français aiment tant leur travail… tout en rêvant de s’en libérer

Et si notre rapport au travail révélait une tension identitaire profonde ?

En France, le travail est sacré. Il structure nos journées, notre statut social, notre utilité perçue… et pourtant, une majorité de Français rêve d’en faire moins. C’est ce paradoxe qu’ont analysé la sociologue Dominique Méda et la chercheuse Lucie Davoine dans un article marquant de la revue Information sociale.

Travailler, mais pas trop

D’après les enquêtes européennes, près de 70 % des Français considèrent que le travail est « très important » dans leur vie. C’est un record européen. Pourtant, ce sont aussi les plus nombreux à souhaiter que le travail prenne moins de place dans leur quotidien. Un peu comme s’il était à la fois indispensable et envahissant, vital mais épuisant.

Un autre chiffre saisissant : 60 % des Français déclarent qu’ils continueraient à travailler même s’ils n’avaient plus besoin d’argent. Pourquoi ? Parce que le travail, au-delà du salaire, leur donne un sentiment d’utilité, développe leurs capacités, et constitue une source de reconnaissance sociale.

Autrement dit : on travaille pour vivre, mais aussi pour exister aux yeux des autres.

Le travail : repère existentiel en cas d’instabilité

Ce besoin d’existence par le travail devient encore plus fort chez celles et ceux qui en sont privés. Les personnes au chômage ou en emploi précaire associent spontanément le travail au bonheur, comme une condition presque nécessaire pour se sentir bien, utile, légitime. Ce n’est pas qu’une affaire d’argent, mais de place dans la société.

D’où nous vient cette passion française pour le travail ?

Pour comprendre cette relation ambivalente, il faut revenir en arrière. Longtemps, dans l’histoire occidentale, le travail était une affaire de pauvres. Dans la Grèce antique ou sous l’Ancien Régime, l’aristocrate était, par définition, celui qui ne travaillait pas. Travailler, c’était servir, obéir, produire — en bas de l’échelle.

C’est d’abord avec le christianisme qu’un premier tournant s’opère : avec la parabole des talentsl’idée que chacun doit faire fructifier ce qu’il a reçu devient un impératif moral. Le travail, jusque-là réservé aux esclaves et aux serfs, commence à être vu comme une voie de perfection personnelle, même pour les élites religieuses.

Puis vient la modernité, et avec elle, la grande révolution philosophique des Lumières. Des penseurs comme Descartes, Rousseau ou Kant renversent la logique ancienne. Il ne s’agit plus d’un ordre naturel, où chacun est assigné à sa place dans un cosmos hiérarchisé, mais d’un monde où l’individu devient le centre de la réflexion. Le travail devient alors le moyen par lequel l’homme se construit, se cultive, se libère.

L’école républicaine, la morale du travail et l’humanisme moderne

Cette nouvelle vision va s’imposer dans la société grâce à l’école. Comme le rappelle le philosophe Luc Ferry, le “hussard de la République” enseigne aux enfants que c’est par le travail qu’on s’humanise. Travailler, ce n’est plus seulement gagner sa vie, c’est donner du sens à son existence, se rendre utile, progresser.

On retrouve cette idée dans Candide de Voltaire, où un vieux sage dit : « Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. »

Cette transformation culturelle est profonde : elle fait du travail une vertu morale. L’homme moderne ne vaut plus par sa naissance, mais par son activité.

Et si le travail dysfonctionne ?

Mais cette place centrale accordée au travail pose une question vertigineuse : que se passe-t-il quand le travail perd son sens ? Quand il devient source de stress, d’épuisement, ou d’aliénation ? Quand il ne permet plus de se construire, mais de se détruire ?

Aujourd’hui, les risques psychosociaux explosent. Les burn-out, les dépressions liées au travail, ou les « démissions silencieuses » sont les symptômes d’un modèle en crise. Un modèle où le travail continue de structurer la valeur personnelle et sociale des individus… sans leur offrir, en retour, le respect, la reconnaissance ou l’utilité qu’ils en attendent.

Vers une redéfinition ?

On ne sortira pas de ce paradoxe en réduisant simplement le temps de travail. Il faut probablement réinventer le travail lui-même : en lui redonnant du sens, en sortant de la logique de la performance stérile, en renouant avec sa vocation première – participer à quelque chose de plus grand que soi.

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